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03.05.24

Petite histoire du Parquet Versailles

Petite histoire du Parquet Versailles

Le parquet « Versailles » appartient à la famille des parquets d’assemblage ou « dits à compartiments » ou bien encore « à la française. » Celui-ci se distingue des parquets de frises, de ceux appelés « sans fin » et enfin des parquets de marqueterie. Il existe plusieurs possibilités d’assemblages portant différentes appellations comme Chantilly, Aremberg, Soubise, Fontainebleau… toutes attribuées postérieurement. Si la légende fait naître le parquet Versailles au château de Versailles, hypothèse tout-à-fait plausible tant Louis XIV a désiré innover pour l'éclat de sa royale demeure, son dessin apparaît cependant dans les traités d’architecture sous le nom de « parquet en losange. »

Selon André-Jacob Roubo, menuisier et ébéniste français du XVIIIe siècle, le parquet à compartiments se compose « d’un châssis et de plusieurs traverses croisées en carré ou en diagonale qui forment un bâti appelé carcasse que l’on remplit de carreaux retenus avec languettes dans les rainures de ce bâti. » Roubo est vraisemblablement le premier à employer le terme Versailles pour qualifier cet assemblage en diagonal des seize carreaux placés en pointe. Lorsque ces carreaux sont parallèles au châssis, ce dernier utilise le terme de Chantilly.

Le parquet n’est pas une invention propre au siècle de Louis XIV car on le trouve dès le XIVe siècle mais son emploi se généralise bien à partir de la première moitié du XVIIe siècle. La raison première est le confort que celui-ci apporte en intérieur. Son usage est préféré à celui de la pierre, du marbre et des carreaux de terre cuite vernissée, jugés plus froids au contact. Matériau isolant par l’air qu’il renferme, le bois est particulièrement adapté pour couvrir le sol des appartements du « piano Nobile. »

 

 

 

L’un des avantages indéniables du parquet à compartiment est sa mise en œuvre rapide et pratique. Les « feuilles » d’une dimension constante de trois pieds à trois pieds et demi (97,5 à 113,7 cm) sont préparées et assemblées en atelier à l’aide de chevilles de bois. Les étapes suivies par les ouvriers consistent à refendre le bois, le scier, le débiter, percer les lames au vilebrequin, pousser les rainures et languettes, et enfin monter une feuille de parquet. Les qualités techniques et esthétiques des lames utilisées dépendent tant de leur position dans la grume que de la façon dont elles sont débitées. Le bois travaillé doit être bien sec et un façonnage seulement dans les trois ans suivant la coupe est proscrit. Philibert de l’Orme, architecte de la fin du XVIe siècle, préconise d’attendre quatre à cinq ans après la coupe de l'arbre pour utiliser le bois destiné à la menuiserie.

Les feuilles de parquet offrent un résultat spectaculaire par la rapidité de leur mise en œuvre. Leur pose, ainsi grandement facilitée par leur assemblage en atelier, favorise une homogénéité entre toutes les pièces. Cet aspect et cette esthétique sont particulièrement recherchées pour amplifier visuellement la grandeur des espaces. Le parquet sert de liant à des pièces aux usages et aux décors variés. Si Versailles donne son nom au modèle en losange ce n’est peut-être pas tant en raison d’une hypothétique création spécifique orchestrée par Jules Hardouin-Mansart qu'en raison de l’ampleur de son utilisation au centre de la monarchie absolue.

Avec ses 2300 pièces et ses 63 154 m², auxquelles doivent être déduites bien entendu les surfaces couvertes de tomettes et de dalles de marbre, le château du roi Soleil représente la surface la plus vaste couverte par ce parquet d’assemblage. Pour autant le modèle en losange s’est imposé sur la durée. En effet, certaines pièces de l’appartement du Roi comportaient encore au début du XVIIIe siècle des parquets de marqueterie d'un raffinement extrême, remplacés lors de la création des petits appartements de Louis XV. Se trouvait par exemple en 1700 dans l'appartement à Versailles du Grand Dauphin, fils de Louis XIV, un cabinet des Glaces contenant pas moins de 550 objets d'art. Si les murs étaient couverts de précieux lambris réalisés par l'ébéniste André-Charles Boulle lui-même, le parquet se composait d'une précieuse marqueterie de bois rares commencée par Pierre Gole et achevée par Boulle.

 

 

Notons qu’il s’agit, en dehors de Versailles, d’un succès décoratif indéniable. Très largement repris dans l’architecture de tout le XVIIIe siècle, le parquet Versailles devient la composante même des décors des résidences royales et aristocratiques jusqu’à la Révolution de 1789. Le Trianon de marbre et le petit Trianon en sont couverts. Les hôtels particuliers et les châteaux construits entre la Régence du Duc d'Orléans et la chute de Louis XVI adoptent ce modèle les yeux fermés, tant pour ses qualités que pour reprendre un goût assurément royal. Ses lignes à la fois savantes et faciles accueillent, sans amoindrissement ni préférence, des boiseries rocailles, transition ou néoclassiques.

Si les parquets à compartiments continuent d’être employés dans l’architecture néoclassique jusqu’à la fin de la Restauration, l’attachement du modèle « Versailles » à la demeure des rois de France est si fort qu’il ne lui assure aucun avenir après la disparition de Louis XVI. Des pièces entières voient ainsi leur parquet jugé d'une autre époque disparaître au profit de modèles plus à la mode et détachés de l'Ancien Régime. Les parquets de marqueterie réapparaissent sous le Second Empire et le modèle à bâton rompu lui vole littéralement la vedette.

Le parquet Versailles demeure ainsi le témoin d'une époque révolue, celle qui parcourt la fin du Grand Siècle et tout le siècle des Lumières. Après plusieurs décennies d'oubli, ce dernier est redevenu un gage de qualité et d'authenticité, et déploie un charme unique très apprécié de nos jours. Ses feuilles délicates, au calepinage tantôt savamment exquis, tantôt délicieusement maladroit, contiennent les secrets d'une élégance incomparable qui se tapissent dans l'ombre épaisse du retrait des lames et des carreaux de bois... éléments gracieusement relâchés par le temps et prêts à parler, racontant leur histoire comme une langue qu'on délie.

 

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